Georges Hardy (1884-1972) est un personnage incontournable du paysage éducatif colonial d’abord par le caractère prolifique d’écrits de toutes sortes (ouvrages de vulgarisation coloniale, collaboration à de nombreuses revues, rédaction des premiers manuels d’AOF), puis par la longévité de sa carrière coloniale, enfin par le tissu de relations coloniales dans lequel il s’inscrit. Néanmoins, l’absence de biographie à son sujet ne permet pas jusqu’à aujourd’hui d’avoir une vue d’ensemble des idées qui étaient les siennes, en regard de ce qu’il a pu mettre en œuvre dans le cadre de ses fonctions. Sa carrière enseignante commence en 1908 en métropole mais se poursuit dès 1912 dans les colonies comme inspecteur de l’enseignement en AOF jusqu’en 1919, puis comme directeur général de l’instruction publique au Maroc, directeur de l’école coloniale à Paris, recteur d’Alger, recteur de Lille, et à nouveau recteur d’Alger.
Agrégé d’histoire, il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages de référence sur la colonisation : Une conquête morale, l’enseignement en AOF (1917), Les deux routes : conseils pratiques aux jeunes fonctionnaires indigènes (1919), Histoire de la colonisation française (1928), Nos grands problèmes coloniaux (1929), L’enseignement aux indigènes dans nos possessions françaises d’Afrique (1931) entre autres ; il est surtout celui qui a théorisé les principes de l’adaptation de l’enseignement colonial aux peuples colonisés. En outre, c’est en 1913, trois mois seulement après son arrivée à Dakar, que Georges Hardy crée le Bulletin de l’enseignement en AOF, particulièrement pertinent pour appréhender les conséquences politiques de son discours. Crée et porté par lui, ce bulletin a été conçu pour coordonner l’action de terrain des instituteurs : « Nous élaborons petit à petit une pédagogie indigène, très différente de l’autre, et personne de vous n’oserait assurément soutenir que nous voyons en toute netteté, non seulement les moyens, mais le but même de notre enseignement. Cette élaboration, nous allons la tenter en commun. (…) Rapprochements des collaborateurs, coordination des idées et des expériences, tel sera l’objet principal de ce bulletin », et il est donc envoyé gratuitement à chaque école. On y trouve notamment les programmes, les textes législatifs intéressant l’enseignement colonial en AOF, mais aussi les premiers manuels scolaires, des contributions d’enseignants sur des expériences pédagogiques particulières méritant d’être partagées… Ainsi, la carrière et les écrits de Georges Hardy font de lui un personnage très complet à la fois fonctionnaire colonial et idéologue ; ce qui permet de confronter l’aspect idéologique du discours dominant, de mettre en perspective ce qui ressort de ses ouvrages avec ses conséquences politiques en termes de système d’enseignement en AOF, jusqu’aux recommandations pédagogiques.