En 1903, dans le cadre de la dernière phase de la campagne coloniale dite « conquête pacifique », le Corps de Santé Colonial est créé. Officiellement, il a pour mission principale la protection de la santé des populations (colons, civils ou militaires et autochtones). Très vite, le constat est fait que, pour accomplir cet objectif, l’effectif en personnels de santé est insuffisant. Après d’infructueuses tentatives de recrutement civil, il est décidé de former du « personnel local ». Les actions conduites vont alors dépasser largement la stricte démarche sanitaire. Ainsi, entre 1897 et 1918, quatre établissements, destinés à la formation « d’autochtones » en médecine et pharmacie, sont créés. Dans le cadre d’une recherche sur la Pharmacie comme élément et vecteur de la culture occidentale (France, 1914 – 1970), deux d’entre eux sont étudiés : les Facultés de médecine et de pharmacie de Hanoï et de Dakar, respectivement officiellement ouvertes en 1914 et 1918. Pour ce volet de l’étude, la pharmacie n’est pas définie comme un « ensemble de sciences1 » mais comme une discipline, c’est-à-dire comme une « organisation où l’on produit des disciples, et où, donc on transmet un savoir et une tradition. Les disciples entrent dans une tradition et la reçoivent. Cet enracinement social implique que la structure que prend une discipline n’est pas neutre, ni socialement, ni idéologiquement. » Ainsi, « la discipline n’est pas définie par son objet mais bien par son objectif et ses finalités sociales2 » Suivant cette approche, la pharmacie est non seulement déterminée par un système de valeurs et un ensemble de pratiques caractéristiques d’une culture, la « tradition médicale occidentale » mais elle en est donc aussi le vecteur de transmission3.
Pour comprendre comment l’enseignement de la pharmacie occidentale a participé au processus d’acculturation des populations locales – que ce soit à l’échelon individuel mais également sur le plan collectif – l’étude s’attache à répondre à quelques questions simples : Quel cursus est proposé dans ces facultés ? Quelles missions sont assignées aux personnels qui en sortent diplômés ? Existe-t-il des différences avec les cursus et les diplômes des Facultés de métropole ? Quels sont les objectifs de cette nouvelle mission du Corps de Santé Colonial ? Qu’est-il possible d’en conclure ?
Pharmacie – N.f. (du grec pharmaceia, de pharmacon : toxique, médicament). Branche à part entière de l’art de guérir. Traditionnellement « art de reconnaître, de recueillir, de conserver les drogues simples, et de préparer les médicaments composés. » (LITTRE) Actuellement, ensemble de sciences théoriques et appliquées conduisant à concevoir, fabriquer, contrôler et dispenser les médicaments. Dictionnaire des sciences pharmaceutiques et biologiques. Vol. 3, Paris : Louis Pariente, 1997. p.86
ib idem
W.F. Bynum, Anne Hardy, Stephen Jacyna, et. ales. The Western Medical Tradition. Cambridge : Cambridge University Press, 2006.