L’histoire de la famille d’Argence se confond avec celle de la présence française au Tonkin. Albéric d’Argence (1837-1903) est un des capitaines des navires de Jean Dupuis lors de la première conquête d’Hanoi en 1873. Lorsque les Français refluent sur la concession où Haiphong est fondée, il s’installe sur ce site en plein développement. Cinq enfants naissent de son union avec Tri Thi Thao : Jeanne Louise d’Argence (Haiphong le 23 mai 1877), Albéric Henri d’Argence (Haiphong, le 22 décembre 1880), Zoé Louise d’Argence (Haiphong, le 28 novembre 1883), Louise Elisabeth (Haiphong, le 28 novembre 1883), Berthe (Haiphong, le 20 octobre 1884). Leur union est légitimée par un mariage le 27 mars 1886. Il s’agit du premier mariage mixte célébré au Tonkin. L’aînée, Jeanne, est la filleule de Jean Dupuis. En 1904, elle épouse son cousin, André Robert d’Argence, professeur en Indochine en 1910 et membre correspondant de l’Ecole Française d’Extrême-Orient. En avril 1914, il fait l’objet d’une proposition aux palmes académiques comme officier de l’instruction publique. Dans son dossier est notée son ancienneté de service aux colonies (25 ans et 9 mois) : « M. d’Argence est un des maîtres les plus anciens du Tonkin ; chargé de la direction des écoles d’Hanoi (groupe Sud), il s’acquitte consciencieusement de ses fonctions et obtient de très bons résultats. Officier d’académie depuis 1905. » (CAOM, Dossier ministériel EE/II/2434 D’Argence).
Elle-même est institutrice en Indochine en 1903, professeur principal en Indochine en 1927, retraitée en 1934. Deux de leurs filles, Marguerite et Germaine, sont également enseignantes. Germaine d’Argence est née le 31 octobre 1896 à Hanoi. Elle est nommée professeur stagiaire le 8 mai 1921 et poursuit sa carrière jusqu’en 1951, date de son retour en métropole. Et Marguerite d’Argence est professeur au lycée Chasseloup Laubat. Elle est née à Hanoi le 9 août 1910.
Je me propose d’étudier cette famille particulière dans ma communication. Famille métisse, parmi les pionnières de la présence française au Tonkin, elle s’inscrit dans une carrière professionnelle particulière dans laquelle beaucoup de ses membres se sont investis et ont ainsi trouvé un statut social au sein de la société coloniale. La démarche méthodologique sera prosopographique. Deux axes s’imposent : comment l’éducation coloniale a-t-elle offert un cadre à cette famille atypique lui permettant de s’imposer socialement ? Comment les membres de cette famille ont participé à la politique éducative que la France a instaurée en Indochine ? Cette communication exploitera des archives administratives (dossiers ministériels) et des archives privées familiales.