La coïncidence n’est certainement pas fortuite entre le début de massification à partir de 1903 des écoles publiques créées en 1855 par Faidherbe, gouverneur du Sénégal, et la fédération des territoires conquis par la France en Afrique noire sous les génériques « Afrique Occidentale Française, AOF » et « Afrique Equatoriale Française, AEF ». Le premiers projets scolaires en Afrique noire étaient éclectiques, visant à « porter aux Africains la morale évangélique » (Fall, A. 2002) selon l’objectif assigné à l’instruction élémentaire par les diverses congrégations religieuses (Congrégation des sœurs de Saint-Joseph de Cluny, Congrégation des frères Ploërmel…) qui ont été à l’origine des premières écoles à Saint-Louis du Sénégal dès 1816. La pacification des espaces conquis et l’organisation des territoires participent d’une politique de formatage identitaire visant à ancrer dans la conscience collective des indigènes une certaine idée de la France. C’est le paradigme de « l’assimilation du plus grand nombre d’indigènes » comme finalité du projet colonial français dont l’école fut un des piliers. Quoi de plus efficace pour faire émerger une nouvelle identité que d’inventer pour les peuples colonisés de nouveaux repères spatio-temporels centrés sur la France ? Ce fut la mission de l’enseignement de l’histoire et de la géographie dont les premiers programmes remontent aux origines de l’AOF.
Jusqu’en 1960, date d’accession à l’indépendance de la totalité des territoires de l’ex-AOF, la France demeure l’espace de référence des programmes enseignés dans ces deux disciplines, l’espace local des représentations spatio-temporelles s’effaçant au profit d’un espace identitaire recentré sur la grandeur de la métropole. Les impératifs de construction des Etats-nations ont remis au goût du jour la reconquête des identités territoriales et nationales chahutées, le temps de l’émergence de l’idéal panafricain, à partir du milieu des années soixante. Faute d’avoir pu anticiper sur la création d’une Organisation de l’Unité Africaine (OUA) « coachée » par le Commonwealth, l’ancienne puissance coloniale oppose une parade en inspirant la construction de l’Organisation Commune Africaine et Malgache (et Mauricienne par la suite, OCAM) autour de ses anciens territoires. Le cachet résolument culturel des relations de coopération qui s’instaurent entre l’OCAM et la France ne laisse planer aucun doute sur les arrières pensées « néocoloniales » de l’ex-métropole. Cette coopération investit rapidement le secteur de l’éducation, notamment la réforme des programmes d’histoire et de géographie dont la thématique générale ne jure pas fondamentalement avec la logique assimilationniste, en dépit de la profession de foi « panafricaniste » de leurs concepteurs. Nous nous proposons de mettre à nu, à travers une étude de contenu des programmes en vigueur entre 1914 (date des premiers programmes) et 1967 (programmes dits « africains et malgaches »), la permanence de cette logique assimilationniste.