Sans être une spécialiste des questions de l’enseignement, j’ai été amenée en consacrant ma thèse aux gouverneurs en poste dans les colonies françaises de 1880 à 1914, à étudier différents textes consacrés à cette question et à en dégager la vision qu’avaient les contemporains de ce que devait être l’enseignement dans les colonies françaises.
Lorsque un gouverneur rejoint son poste, il est « guidé » par des textes émanant des bureaux de l’administration centrale : les instructions ministérielles. Si une partie de ces instructions n’est consacrée qu’à la description des infrastructures en place, une autre contient les consignes de la politique scolaire à mener par le gouverneur dans la colonie. Ces objectifs varient en fonction du territoire à administrer. Les instructions ministérielles destinées aux gouverneurs en poste dans les « vieilles » colonies insistent surtout sur la nécessité de relever un niveau scolaire jugé insuffisant aux yeux des instances académiques nationales. Leurs collègues en poste dans des territoires nouvellement conquis ont, quant à eux, pour mission de faire « pénétrer la civilisation française » par l’intermédiaire de l’enseignement. Ce double objectif se retrouve dans le second corpus composé des discours prononcés par les gouverneurs lors de la distribution des prix dans les établissements scolaires laïques. Ces discours permettent d’entendre la position officielle et de voir l’image que l’administration a et/ou donne de l’instruction.
En étudiant ces deux types de textes, on peut donc s’apercevoir que la place de l’école n’est pas perçue de la même manière en fonction de la colonie où l’on se trouve et que le rôle assigné à l’enseignement diffère en fonction des populations auxquelles on s’adresse. Malgré cela, il apparaît des points convergents en particulier sur l’importance donnée à l’enseignement professionnel. Ainsi, d’après les textes que nous avons pu déjà étudier, que l’on soit aux Antilles, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou en Afrique, la nécessité de former des « jeunes gens utiles à l’économie de leur pays » (discours du gouverneur Grodet, 3 août 1887, ANOM, série géographique Martinique, carton 15, dossier 141) est soulignée par l’administration coloniale.
En fait, nous nous proposons, en étudiant ces textes très officiels, d’éclairer le rôle assigné à l’enseignement dans la politique coloniale de la France à la fin du XIXème siècle en axant notre travail sur quelques colonies pour lesquelles nous disposons d’instructions ministérielles assez précises sur le sujet (soit un total de 18 textes concernant en particulier les Antilles, l’Océanie et certains territoires africains comme la Guinée et le Sénégal) et des discours lors des distributions des prix. Ces textes sont disponibles en particulier aux ANOM dans les séries géographiques des territoires concernés mais aussi dans les affaires politiques (les instructions ministérielles) et dans les Journaux officiels qui reprennent l’intégralité des discours et décrivent les cérémonies de distribution des prix.